Raph Gatti, le regard de l'amitié
Jusqu’au 4 juin 2017, vous avez pu découvrir l’exposition photo de Raph Gatti, grand photographe niçois. Des années 70 à 90, un voyage à travers les clichés des stars et grands noms de cette époque : Dalida , Claude François, Hitchcock, Agatha Christie… ou bien encore des musiciens de jazz de renom et les artistes de l’École de Nice.
© DR
L'exposition
La première exposition qui s'est déroulée dans la salle d’exposition des galères a mis à l’honneur le regard du célèbre photographe de presse niçois Raph GATTI.
Une exposition que nous devons à l’exceptionnel investissement de Mme Andrée GATTI, qui a travaillé des mois durant pour trier, classer et choisir les clichés les plus représentatifs du travail de son mari, et notamment ceux porteurs de l’amitié qui le liait à nombre de créateurs.
Parmi les milliers de photos prises, le choix s’est porté sur des clichés inédits et de qualité exceptionnelle, conséquence de la proximité de Raph GATTI avec de grands artistes qu’il connaissait personnellement : CHAGALL, ARMAN, CÉSAR, Max CARTIER dans leur atelier ou à leur domicile ; des musiciens de jazz, des comédiens passant au Festival de Cannes ou encore des écrivains... Nombre de photos sont en outre précieuses par les dédicaces qu’elles présentent.
Pratiquement chaque cliché est lié à une anecdote racontée par Mme Gatti présente lors des prises de vues. Par exemple, Fabrice LUCCHINI passant une journée au domicile du couple GATTI, Claude François portant les appareils de Raph GATTI, Cat ANDERSON improvisant un air pour les chats des GATTI.
Le Fonds Gatti
Un fonds photographique exceptionnel composé de dizaines de milliers de clichés, diapositives, tirages en noir et blanc ou couleurs.
La qualité des images est excellente (cadrages, éclairages, etc.) car Raph GATTI est plus qu’un simple photographe de presse du point de vue de la maîtrise technique.
Les scènes photographiées sont souvent inédites, d’autant plus que Raph GATTI et son épouse ont vécu dans la proximité, voir dans l’intimité, des représentants du monde de l’art et du spectacle.
L’option prise pour l’exposition a été de présenter en priorité le foisonnement artistique des années 1970/1990 sur la Côte d’Azur avec les photographies
- Des créateurs (peintres, sculpteurs, etc) dans leurs ateliers ou devant leurs oeuvres.
- Des écrivains nés ou ayant vécu sur le Côte d’Azur.
- Des artistes qui sont venus présenter leurs oeuvres (chanteurs, comédiens, musiciens, etc) sur la Côte d’Azur lors de grands événements (Festival de Cannes, Grande parade du jazz de Nice, de Juan-les-Pins, etc).
- Des scènes intimes montrant l’amitié entre artistes et leurs rapports privilégiés avec le photographe.
L’élément fort, qui a servi de fil conducteur, est celui de la proximité avec de nombreux artistes qu’il connaissait personnellement.
L’oeuvre de Raph GATTI va au-delà des photographies de stars ou de personnalités. On y retrouve ainsi des hommes politiques « nationaux » et « locaux », des photographies de Nice et des Alpes-Maritimes, de nombreuses scènes de rues, de paysages…
La scénographie
A travers la scénographie nous avons voulu mettre les images photographiques dans leur contexte, leur époque dans l’univers de Raph Gatti.
Photographe-reporter, il matérialise des instants qui, aussitôt sélectionnés, plongés dans le bain de la chambre noire, sont révélées du négatif au positif.
L’image apparaît, se fixe, elle est ôtée du bac à l’aide d’une pince, accrochée, elle sèche. Titrée, l’étiquette dactylographiée est collée sur le bord. Le cliché est expédié, imprimé, publié, distribué, partagé, rendu public.
La mise en forme des tirages dans l’exposition rappelle le polaroïd, les contacts. Les photos sont accrochées par des pinces au niveau de l’œil, de format ni trop grand ni trop petit, elles demandent que l’on se rapproche.
La marge noire autour est le support de textes dactylographiés par une vieille typographie de machine à écrire comme les clichés qu’envoyait Raph Gatti à la presse.
Des échanges de regards s’opèrent, tel un lent travelling. Le photographe derrière son appareil laisse sa place au visiteur. Les portraits défilent, comme on feuillette un album photo. On voyage alors à travers le temps.
Chaque thématique a sa présentation, combinée à un faible éclairage général et à de fortes accentuations la mettant en valeur. Le visiteur déambule dans une chambre noire, à travers l’atelier de l’artiste, rencontre l’écrivain et son livre ouvert.
L’univers de Raph Gatti nous est alors révélé.
Birgitte FRYLAND
Scénographe de l'exposition
Lire la suite de l'édito...
Son terrain de prédilection, c'était Nice et la Côte d'Azur. Son calendrier suivait celui des grands événements qui réunissaient la jet-set internationale et les stars du monde entier, du Festival du film de Cannes à ceux du jazz à Nice et Juan-les-Pins, en passant par les ateliers ou les domiciles de ses amis artistes, peintres, sculpteurs, écrivains. Sa magie résultait de cette capacité à capturer le réel tout en légèreté, comme si de rien n'était.
A travers ses portraits de Monica Vitti, de Joseph Kessel, de Marc Chagall, ou de Miles Davis, pour ne citer que quelques unes des personnalités qu'il a eu la chance d'approcher et de côtoyer, il a su écrire à sa manière une histoire de la Riviera et recréer cette atmosphère si particulière des années 1960 et 1970, celle d'un monde où tout était possible et où la passion était un renouvellement permanent et quotidien. Ses clichés sont autant de témoignages du pouvoir d'attraction à nul autre pareil de la Côte d'Azur, où les plus grandes figures du XXe siècle aimaient à se retrouver et à jouer les touristes.
Lorsque le Patriote-Côte d'Azur dans son numéro des 25 février-3 mars 2005 lui rend après son décès le 23 février 2005, il titre " Raph Gatti, Nice perd son reporter-photographe ". C'est on ne peut plus vrai. C'est aussi insuffisant. Car au-delà du professionnel, il faut avoir connu l'homme ou faire l'effort de le reconnaître dans ses photographies.
Et certes Raph Gatti est d'abord un homme. Un homme avec sa sensibilité et avec sa générosité. Aussi ai-je tenu à ce qu'un hommage digne du photographe soit rendu par l'exposition inaugurale au port de Nice, dans le nouvel espace muséal du Département où l'image doit occuper une place prépondérante. Bordant la mer, ancré près de la colline du château, avec ses habitants et ses paysages, ce lieu invite à se délecter de l'image la plus sensible qu'il soit.
" Ce qui demeure décisif en photographie, c'est toujours la relation du photographe à sa technique " soutient Walter Benjamin, l'historien de la photographie, en 1996. Et la maîtrise de la technique, nul ne peut contester que Raph Gatti la possédait. Ses milliers de clichés en sont autant de témoins.
Mais, avec Madame Andrée Gatti et pour imiter la voie ouverte par le photographe, nous avons souhaité qu'un cadrage tout particulier soit donné à la relation de Raph Gatti avec le monde des arts. Charles Baudelaire manifestait en 1859 une grande froideur à l'égard de la technique photographique, l'invitant à rentrer " dans son véritable devoir, qui est d'être la servante des sciences et des arts. " Or les photographies de Raph Gatti sont des œuvres de l'esprit : elles inspirent le respect et l'admiration ; elles sont pour beaucoup des œuvres d'art.
Pourtant, Raph Gatti a endossé les habits modestes du reporter-photographe, autrement dit du photographe qui quitte son studio pour parcourir le territoire et remplir aussi une fonction de journaliste. Sa simplicité naturelle et son talent ont permis de créer des conditions de relations privilégiées avec les artistes : c'est le principe de l'exposition et de son catalogue. Les photographies de Raph Gatti traduisent le bonheur, l'allégresse d'exercer un métier qui se confond avec une vocation et qu'il élève au rang d'art. Et je ne peux m'empêcher de penser aux mots de Robert Doisneau " Toute ma vie, je me suis amusé. Je me suis fabriqué mon petit théâtre ", malgré les exigences sévères du métier : le temps n'était pas compté par Raph Gatti.
Raph Gatti, c'est aussi une mémoire culturelle et un sens aigu de l'amitié, tant son nom reste aujourd'hui associé à l'intelligentsia niçoise, et à ce petit groupe enthousiaste et joyeux qu'il formait avec le peintre Raymond Moretti et l'écrivain Louis Nucéra. Ensemble ils ont fréquenté Jean Cocteau, Romain Gary, Claude Nougaro, Maurice Druon, César, et tant d'autres créateurs, et leur admiration était à la mesure du génie de leurs illustres amis et de l'intarissable source d'inspiration que ces derniers représentaient pour de jeunes artistes.
Mais le grain particulier des clichés de Raph Gatti se révèle dans la relation qu'il bâtit assurément en amont, et le plus souvent en aval de la photographie : la proximité et, souvent l'amitié, avec son sujet. Dans son De amicitia, Cicéron fait dire à Lelius que l'amitié est le " parfait accord de volontés, de goût et de pensées. ". L'oubli du sujet, si grand ou célèbre soit-il, ou la force de son esprit, devant l'objectif de Raph Gatti, traduisent cet accord parfait.
Raph Gatti, c'est aujourd'hui un précieux héritage, des milliers de photos qui sont autant de reflets d'un monde enchanteur, dont le pouvoir de fascination demeure intact. Si la photographie est un accélérateur du visuel, l'œuvre de Raph Gatti est bien à la mesure de cette belle définition du sixième art.
Toute ma gratitude va vers Andrée Gatti qui a travaillé avec son mari, a partagé ses amitiés et conserve précieusement son œuvre. Cette exposition composée des photos qu'elle a sélectionnées parmi les milliers de clichés en sa possession, c'est son hommage à son époux prématurément disparu, hommage à partager avec tous ses amis et les Niçois.
Laissons-nous conduire par le photographe Raph Gatti dans l'art de l'amitié.
Panorama 360°
Biographie de Raph Gatti
Raph Gatti naît un 31 mai 1936 à Nice, dans une famille de photographes. Ses parents tenaient une boutique place Garibaldi, au cœur de cette ville.
En raison du décès prématuré de son père et afin de seconder sa maman au magasin, il apprend très tôt toutes les techniques de la photo. Sa curiosité, sa sensibilité et son sens de l'esthétique feront le reste.
À dix-huit ans, il part pour l'Indochine dans le service cinématographique des Armées.
En photographiant ce pays et ses habitants, il prend conscience de la force du reportage photographique et cela sera déterminant dans ses choix professionnels.
Une rencontre majeure aura lieu pour lui en 1958. Un journaliste niçois nommé Louis Nucéra, recherche un photographe pour un reportage urgent.
Dans son atelier Villa Paradisio, le peintre Raymond Moretti l'attend en compagnie du journaliste.
De cette rencontre naît entre ces trois hommes une amitié indéfectible et un compagnonnage que seule la mort a interrompu.
Tout en étant successivement pigiste au journal Le Patriote, puis à l'A.F.P. dont il deviendra le salarié en 1975, Raph multiplie les rencontres et les reportages au cours desquels ses " modèles " découvrent au-delà de son talent professionnel qui est largement reconnu, son respect de l'éthique et des personnes, sa discrétion et sa formidable sympathie qui le font apprécier aussi bien des anonymes que des célébrités.
Ces qualités lui ouvrent de très nombreuses portes et notamment celles des célébrités et des artistes qui en cette période foisonnent sur la Côte d'Azur.
Il n'en est pas un qui se soit dérobé à son objectif, que ce soit dans le domaine de la littérature, de la peinture, de la musique, du sport, de la politique et des affaires.
La collection de photos qu'il a laissée est impressionnante et témoigne d'une période extrêmement riche de l'activité culturelle de la Côte d'Azur.
Pendant des décennies, il a couvert les grandes manifestations et les festivals les plus prestigieux qui se sont déroulés à Cannes, Juan-les-Pins, Antibes, Nice, Monaco, Menton et le département du Var, à Saint-Tropez notamment.
Les artistes les plus célèbres, les personnalités les plus reconnues le recevaient dans leur intimité car ils étaient certains que jamais un cliché ne sortirait sans leur accord.
En 1988, il quitte l'A.F.P. pour rejoindre Nice-Matin au sein duquel il poursuivra la même activité pour le quotidien local.
À la vente du journal, Raph a continué, tant que ses forces le lui ont permis, d'exercer pour son propre compte ce travail qui était sa passion.
Quelques photos de l'exposition...
