Exposition photographique

Palmyre Apamée Alep - de Michel Eisenlohr

Du 6 avril au 9 juin 2019

Une exposition photographique exceptionnelle de Michel Eisenlohr invitant au voyage, poussant à la réflexion sur l'héritage et la préservation des sites archéologiques témoins du passage des hommes aux quatre coins du globe.

Entrée libre.

Le mot du photographe

« Soyez passant » dit l’Evangile de Thomas. C’est ce que fait tout voyageur dans son périple. Il laisse l’ombre de ses pas dans la poussière des chemins des pays qu’il traverse.

Auteur-photographe, mes pas m’ont porté au gré des envies et des commandes dans divers pays, à découvrir des espaces habités, en transformation ou au contraire délaissés. Des lieux qui illustrent la diversité des modes de vie, des croyances et des coutumes et la relation si intime que l’homme entretient à son territoire. Cette approche commence certainement par l’amour de la littérature de voyage, celle des aventures de Jules Verne ou des expéditions de Marcel Griaule et de Théodore Monod. Celle qui permet d’imaginer, de s’évader par procuration dans deux dimensions complémentaires : le temps et l’espace.

Mais rien ne sert de rester dans les livres si l’on ne peut frotter sa propre expérience au monde. Alors il faut passer à l’action, et partir. Découvrir les autres, leurs rituels, leur environnement. Les voyages m’ont fait comprendre à quel point ces lieux sont également ce qu’il reste de l’homme, ou de la communauté, lorsque celui-ci n’est plus.

En 2002, j’ai été invité à présenter mes premières images d’Afrique au Festival international de la photographie d’Alep. A l’instar des Flaubert, Chateaubriand, Nerval ou Hesse qui ont réalisé leur « Voyage en Orient » j’ai envie d’appréhender ce territoire par la route, de prendre le temps de « voir ». A la place du carnet de voyage, j’ai fait le choix de deux appareils photo argentiques et du noir et blanc.

Dialogue des formes et des sociétés. Telle était, en 2002, la Syrie que j’ai découverte et aimée, sublime, généreuse, inondée de lumière et parfois secrète. Une terre d’héritages, vivant au présent. Carrefour des civilisations, la Syrie connaît ces dernières années une actualité douloureuse et tragique. Palmyre, héritage de notre passé commun, entre Orient et Occident, en est le symbole martyrisé. Ce reportage photographique, présenté aujourd’hui à la lueur de l’actualité, est avant tout un hommage rendu à la beauté de ce pays et aux hommes qui l’ont au fil des siècles bâti, aimé et protégé.

Alors jeune photographe, il s’agissait pour moi d’une véritable rencontre amoureuse avec l’Orient. Cet Orient fantasmé qui m’accompagnait depuis mon enfance à travers les livres des poètes et les épopées des conquérants. Ma vision est donc celle d’un récit poétique, pudique et discret – je l’espère – face à la mémoire des lieux et à l’intimité des êtres. Dans ce pays au mouvement accéléré, où jour après jour les hommes fuient, résistent, se terrent, errent, font table rase, il s’agit, pour moi, en diffusant ces images, d’essayer de transmettre l’insondable, une émotion silencieuse qui dépasse le simple fait de capter la réalité. Et s’effacer. Essayer, à ma façon, de transcender le réel pour en manifester le sublime.

Je tiens ainsi particulièrement à remercier le Centre des monuments nationaux et les éditions Actes Sud pour avoir soutenu ce projet et dévoilé ce reportage, ainsi que le Département des Alpes-Maritimes qui m’accueille en ce lieu chargé d’histoire. J’espère que ces photographies inviteront le lecteur au voyage, à la poésie, et l’interpelleront sur notre responsabilité dans la nécessité impérieuse de préserver les sites archéologiques témoins du passage des hommes aux quatre coins du globe.

Michel Eisenlohr

Au fil des photos

Première étape : Alep. Une des plus vieilles villes au monde, carrefour entre la Méditerranée et la Mésopotamie. Elle reflétait alors la douceur de vivre. Une certaine liberté se dégage de la ville, liberté que je ressens moi-même dans la possibilité de photographier les habitants et leur vie quotidienne sans aucune contrainte.

Seconde destination, les villages antiques du nord de la Syrie – les fameuses « villes mortes » comme Serjilla, qui témoignent de la fusion entre le monde païen de l’Empire romain et le christianisme byzantin. Ici le temps n’a plus de prise. Seules subsistent des architectures somptueuses aux symboles mystérieux gravés sur la pierre comme un ultime hommage de civilisation disparue. Plus au sud, vient Hamah et ses impressionnantes norias, un système ingénieux de roue à eau qui remonte à la nuit des temps.

Autre moment rare : le Krak des Chevaliers, dont la vue ne peut que faire frémir les passionnés d’histoire et de littérature sur les croisés. De ce lieu, j’en retiens surtout la force à l’état brut, les contrastes de lumières.

Au milieu du désert, après plusieurs heures de route, la mythique Palmyre apparaît. Il est des lieux dans un voyage qui sont incontournables parce qu’ils portent en eux toute l’essence d’un pays. Palmyre était la raison d’être de ce voyage, une sorte de point à la fois fixe et imaginaire.

À Palmyre, la grandeur et la poésie des ruines submergent. La lumière y imprime sa marque, ciselant le volume des colonnes, découpant le relief des frises sculptées, marquant le sol d’ombres rythmées. Le temple de Bêl trône sur son podium au centre de colonnades majestueuses. Les mausolées solitaires des nécropoles résistent au soleil. Au loin la silhouette de la citadelle veille sur la plaine millénaire. On croit la cité abandonnée au vent, elle se révèle habitée par les enfants qui y trouvent un immense terrain de jeu. Des conducteurs de camions, de tracteurs mais aussi de chars militaires saluent d’un geste l’arc triomphal de l’ancienne colonie romaine.

En fin Damas. Au silence des ruines font place le foisonnement des couleurs et l’odeur des épices. Le regard ne peut être que happé par la vie bouillonnante des échoppes, des tissus flottants, par les ruelles sombres et pavées, les carrefours sonores, par cet art de vivre qui rassemble les différentes communautés dans le partage et le respect. Aux colonnades des ruines romaines répondent les arcades de la grande mosquée des Omeyyades, aux entrelacs antiques, les motifs géométriques de l’art islamique. L’accueil des Syriens, y compris dans ces lieux de prière, est chaleureux et serein.

Biographie de Michel Eisenlohr...

Né à la Ciotat en 1974, Michel Eisenlohr est auteur photographe depuis une vingtaine d’années. Son itinéraire photographique est le fruit d’une passion pour la littérature de voyage, d’un parcours universitaire sur les rites de l’Initiation, et de ce goût de l’autre qu’il renouvelle à chaque destination.

C’est lors d’un voyage en 1998 en pays Dogon qu’il réalise ses premières images. Depuis, il poursuit ses reportages en France et à l’étranger, sur le pourtour méditerranéen, de l’Afrique de l’Ouest au Proche Orient, en Inde ou plus récemment en Islande ou en Asie.

Il s’attache aux paysages urbains avec pour premier thème sa ville de jeunesse, Marseille et dresse le portrait de Gênes, Porto, Alep, Reykjavik ou encore Hong-Kong. Esprit des villes, architectures contemporaines, mémoire des lieux et territoire en mutations : sujets sur lesquels il aime particulièrement porter son regard pour des reportages personnels ou en répondant à nombreuses commandes d’institutions culturelles.

Avec ces multiples facettes, le travail de Michel Eisenlohr assume une grande liberté artistique, loin de toute école stylistique. Photographe de la trace, de la lumière et du sensible, son travail est régulièrement présenté en France et à l’étranger, et fait l’objet de plusieurs publications.

 

La scénographie de l’exposition a été conçue par la société SCENO.