Exposition Soulages

Pierre Soulages, La puissance créatrice.
Dans cette période où chacun est invité à rester chez soi pour éviter la propagation du virus Covid-19, vivez une expérience culturelle inédite depuis votre canapé !

La première fois que je vis un tableau de Pierre Soulages, ce fut un choc. Je reçus, au creux de l’estomac, un coup qui me fit vaciller, comme le boxeur, touché, qui, soudain s’abîme.

LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR, 1958

Exposition virtuelle Soulages

Une exposition pour le centenaire de l'artiste

- Image en taille réelle, .JPG 828Ko (fenêtre modale)

Pierre Soulages est le plus célèbre des artistes français vivants.

Cette exposition s’inscrit dans la célébration de son centième anniversaire après l’ouverture des manifestations du Centre Pompidou et celle du Louvre avec la réunion de 20 peintures venues de grands musées dans le monde.

Pour l’hommage rendu à Nice par le Conseil départemental, plus de cent œuvres originales ont été réunies : peintures, œuvres gravées, bronze, livres illustrés.

Pour mieux comprendre et connaître l’univers et les références de ce peintre d’exception, ont été rassemblés les témoignages et les œuvres d’artistes faisant partie du monde Soulages et de ses dialogues avec les cultures.

Le titre de cet événement a été composé par un citoyen d’honneur de la ville de Nice, Léopold Sédar Senghor, poète et chef d’État sénégalais qui fut aussi ami et analyste de Pierre Soulages.
Le poète participa personnellement à la conception d’expositions P. Soulages tant à Dakar qu’à Lisbonne.
Ces liens historiques ont permis le choix du poète pour accompagner cette exposition maralpine.

Le parcours présente soixante-douze œuvres originales peintes et gravées de l’artiste en un itinéraire chronologique de 1946 à 2008. Pour compléter l’étude de l’oeuvre de l’artiste, ces références et ces temps forts des dialogues de culture de Pierre Soulages prennent place dans l’exposition afin de mieux entrer dans l’univers du peintre.

En terre méridionale, l’exposition de ce peintre méditerranéen a vocation à consacrer Pierre Soulages comme l’inventeur d’une nouvelle peinture d’une beauté mystérieuse.

Les incontournables

Cette exposition est pour vous l'occasion de découvrir :

  • 72 œuvres de Pierre Soulages réunies dont 25 peintures rarement présentées au public

  • Un parcours chronologique sur l’oeuvre de Pierre Soulages de 1946 à 2008

  • La présentation d’une statue menhir chère à l’artiste, pièce archéologique quittant pour la première fois les salles du musée Fenaille (Rodez).

  • Un catalogue d’exposition inédit publié dans le cadre de l’exposition.

Pour aller plus loin...

Depuis ses premières peintures exposées en 1947, Soulages n'a de cesse de produire et d'expérimenter.

L'Espace Lympia vous propose d'ores et déjà d'entrer dans le monde de l'artiste, de découvrir ses influences, d'appréhender son travail afin d'aller plus loin dans la compréhension de sa recherche artistique.

Cliquez ici pour aller plus loin sur l'exposition et l'oeuvre de Soulages...

Pierre Soulages, Peinture 97 x 130 cm, 1947
Huile sur toile
Donation de Pierre et Colette Soulages en 2005
Musée Soulages, Rodez
© Adagp, Paris 2019 / Photo : musée Soulages, Rodez / Vincent Cunillère

Premières peintures

En 1946, Pierre et Colette Soulages s’installent à Courbevoie dans un minuscule appartement-atelier. L’année suivante, Soulages expose à Paris au Salon des surindépendants où il est remarqué publiquement par le peintre Francis Picabia. Michel Ragon, critique d’art, note déjà pour sa part les tonalités sombres, les « rythmes robustes » de ses peintures.

Hans Hartung, Gérard Schneider et Jean-Michel Atlan figurent parmi les amis de Soulages et exposent parfois avec lui. Pourtant, le peintre n’appartient à aucun groupe d’artistes. Il refuse la peinture traditionnelle à la technique et aux instruments convenus. Il achète en 1947 ses premières brosses de peintre en bâtiment, plus proches de la peinture qu’il a envie de produire. Dès le départ, sa peinture ne propose ni représentation ni message.

 

Les peintures à l’huile et à l’acrylique

À partir de 1959, l’arrache de matière obtenue par des outils plus larges fait naître un nouveau rapport à la couleur et à la lumière. Roger Vailland regardant Soulages peindre en 1961 souligne son corps à corps avec la toile sur laquelle il ajoute et retire de la peinture : « J’ai l’impression d’un paysage au matin qui se découvre tout à coup quand un souffle de vent fait lever la brume. » Le travail de la lumière est toujours là, par contraste ou par transparence.

La matière se déploie sur un axe horizontal. En 1966, Pierre Soulages décide, pour une exposition au musée de Houston (États-Unis), de fixer ses toiles par des câbles entre sol et plafond. Certaines sont déjà constituées de plusieurs panneaux : la voie est ouverte vers les polyptiques. Les œuvres investissent l’espace et invitent le regardeur à se déplacer pour les découvrir.

- Image en taille réelle, .JPG 3,96Mo (fenêtre modale)Pierre Soulages, Composition Bleue 63,6 x 50 cm, 1973
Peinture sur papier
Collection particulière, Paris
© Photo H. Lagarde

Les peintures sur papier

Soulages réalise la plus grande partie de son oeuvre sur papier entre 1946 et 1979.

Dans son travail sur papier, on distingue plusieurs médiums (encres, gouaches, brous de noix) et différentes approches : la recherche de contrastes et de transparences, l’application en bandes, le travail de texture.

Dans les années 1950, la production sur papier met en évidence une structure liée, synthétique, qui se détache sur un fond clair.

Puis, la forme perd de sa brutalité. Elle est associée à une composition sous-jacente à base de lavis superposés.

Entre 1979 et 1997, les peintures sur papier de l’artiste sont rares. Il faut attendre 1997 pour retrouver une production plus foisonnante et imprégnée de sa recherche sur l’Outrenoir.

Broux de noix

Les brous de noix apparaissent en 1947 dans l’oeuvre de Pierre Soulages.

Cette matière est traditionnellement utilisée par les artisans pour teindre le bois. L’artiste l’applique à l’aide de pinceaux de peintres en bâtiment. Fluide, celle-ci offre à Soulages de nombreuses qualités plastiques : intensité, transparence et chaleur des noirs. Les brous de noix ne constituent pas la transcription d’un geste ou d’une émotion. Semblables à des signes, ils ne portent aucune signification et ne représentent pas. Au contact du brou, le blanc du papier fait vibrer la lumière. Il établit avec celui-ci un rapport intime, nous invitant ainsi à une lecture globale de l’oeuvre.

- Image en taille réelle, .JPG 6,44Mo (fenêtre modale)Pierre Soulages, Brou de noix sur papier 75 x 54 cm, 2000
Brou de noix sur papier marouflé sur toile
Donation de Pierre et Colette Soulages en 2005
Musée Soulages, Rodez
© Adagp, Paris 2019 / Photo : musée Soulages, Rodez / Christian Bousquet

- Image en taille réelle, .JPG 3,23Mo (fenêtre modale)Pierre Soulages Peinture 202 x 143 cm, 17.06.2008
Acrylique sur toile
Collection particulière, avec l’aimable concours de Duhamel Fine Art, Paris
© DR

L’Outrenoir

Dans son atelier, une nuit de janvier 1979, Soulages est confronté à un doute devant ce qu’il peint. Confronté à son obstination à réussir et contraint à « patauger dans une espèce de marécage noirâtre depuis des heures », il décide d’aller se reposer. À son retour dans l’atelier, Pierre Soulages découvre ce qu’il ne pressentait pas : sur la surface intégralement noire du tableau, la lumière joue par reflets et anime toute la matière peinte. Il choisit définitivement cette voie de l’Outrenoir, tel l’alpiniste qui découvre enfin le passage permettant l’accès au sommet. 

En abandonnant les rouges, les bleus et les ocres qui habitaient sa peinture depuis les années 1940, Soulages n’a jamais cherché à énoncer un concept. Comme il aime lui-même à le rappeler, sa démarche se rapproche plus de l’art pariétal que d’une vision moderniste ou lyrique.

Travaillant et gravant la matière pour donner naissance à des reliefs dans une suite de gestes répétés, il met au jour des espaces différemment captifs de lumières et laisse naître des éclats scintillants sur les arrêtes de ces espaces nouveaux. La peinture devient aussi parfois sculpture. Peinture 160 x 114 cm, 9.11.2008 évoque un art ancestral, puissant et chargé. Par ses imposantes dimensions, sa verticalité hiératique, ce tableau dispose également d’un caractère mélodieux. Les interstices transversaux à fort retour de lumière, jusqu’à leurs arrêtes brillantes scandent la partie gauche de la composition. Cela peut rappeler une partition de musique – peinture et musique si proches dans la nouvelle peinture inventée par Soulages.

Ces peintures ont d’abord été appelées Noir-Lumière, désignant ainsi une lumière inséparable du noir qui la reflète. Pour ne pas les limiter à un phénomène optique, j’ai inventé le mot outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir […].

Pierre Soulages, 2005

 

 

- Image en taille réelle, .JPG 5,33Mo (fenêtre modale)Statue-menhir de la Verrière
Montagnol (Aveyron)
Grès
IVe - IIIe millénaire avant notre ère
87 x 50 X 15 cm
Musée Fenaille - Rodez (coll. SLSAA)
Inv. 938.12.1
© P. Soisson

Une collection de regards

Pour témoigner de l’étendue de la culture artistique de Pierre Soulages, il a été choisi de présenter un ensemble de références de l’artiste, une « collection des regards » que le peintre a portée pendant son parcours. Il s’agit de s’approcher des dialogues des cultures entretenus par le peintre aussi bien avec les arts premiers qu’avec des maîtres anciens et contemporains.

Ce corpus comprend ainsi des œuvres d’art d’Afrique et d’Océanie, de maîtres occidentaux comme Rembrandt, mais aussi une statue-menhir conservée dans les collections du musée Fenaille (Rodez) – l’un des premiers « chocs esthétiques » du jeune Pierre Soulages. La pièce archéologique est présentée pour la première fois en dehors de son lieu de conservation. Peuvent aussi être cités une sculpture et un masque issus de l’art dogon, évoqués lors d’une rencontre dans son atelier avec Léopold Senghor, une sculpture antique Mezcala, souvenir d’un voyage marquant au Mexique.

D’autres pièces permettent de contextualiser le travail de Soulages et de trouver des correspondances dans un cercle de personnalités dont les évolutions se sont faites en parallèle, de Pablo Picasso à Joan Miró en passant par Zao Wou-Ki et Yves Klein. L’amitié et les échanges tissés pendant plus de quarante ans par Pierre Soulages et Hans Hartung sont aussi évoqués avec la présence de deux œuvres de cet artiste.

L’oeuvre imprimé

Si la gravure permet de reproduire une oeuvre à l’identique, elle est, pour Pierre Soulages, une nouvelle opportunité d’exploration des techniques et des possibilités de la matière. Dès 1951, Pierre Soulages pousse la porte de l’atelier de Roger Lacourière, important imprimeur. Il y expérimente la technique de l’eau-forte. C’est par la découverte de cette technique de l’eau-forte que Pierre Soulages installe sa réputation de graveur. « J’ai fait de la gravure parce que, avec la gravure, quelque chose apparaissait qui ne pouvait apparaître avec la peinture. »

Plus tard, Pierre Soulages pratique aussi la lithographie et la sérigraphie, autres procédés d’impression. Soulages laisse libre cours à son inventivité. Comme pour ses peintures, il a besoin de sortir du cadre et de dépasser la technique. Sa production n’est pas régulière mais correspond à des temps différents, des périodes. Eaux-fortes, lithographies, sérigraphies…au total, 123 estampes sont créées entre 1950 et 1970.

Les grands bronzes sont des agrandissements des matrices des eauxfortes. Longuement polie, leur surface oppose les parties sombres et celles lissées aux reflets changeants.

Les lithographies

Pierre Soulages s’adonne pleinement à la lithographie dès 1956, arrêtant parfois même de peindre. Cette technique consiste à venir dessiner avec un crayon gras sur une pierre calcaire. La pierre est traitée avec un acide qui la rend poreuse. Les parties couvertes au crayon restent imperméables. Ensuite, lavée, elle se gorge d’eau dans ses parties poreuses ; le dessin au crayon reste quant à lui bien sec. De ce fait, lorsque l’artiste roule de l’encre sur la pierre, l’encre va seulement adhérer aux parties dessinées alors que les parties humides vont la repousser. Comme pour l’eau-forte, une feuille de papier est posée sur la pierre avant de passer sous la presse.

Là encore, Pierre Soulages intervient sur le processus traditionnel de reproduction à l’identique en retravaillant la matrice après plusieurs tirages. En ajoutant des formes ou des couleurs, il crée des épreuves originales. Une fois de plus, Soulages contourne l’attendu pour ouvrir une nouvelle voie plastique.

- Image en taille réelle, .JPG 4,54Mo (fenêtre modale)Pierre Soulages, Lithographie n°23, 1969
79,5 x 55 cm
Collection particulière, Paris
© DR

 

Les sérigraphies

La sérigraphie, autre technique de production d’une estampe, ne nécessite pas l’usage d’une presse ; elle se fait à plat grâce à un matériel simple et facilement transportable. Avant de se coucher sur le papier, l’encre d’impression passe au travers d’un tissu à trame fine tendu sur un châssis. Préalablement à l’étape de l’encrage, l’artiste imperméabilise certaines parties de l’écran interposé entre l’encre et le papier. Ces caches empêchent l’encre de passer là où le papier doit rester vierge. La sérigraphie peut ainsi s’apparenter au principe du pochoir.

Animé par un désir constant de découverte, Pierre Soulages s’applique à transformer la technique traditionnelle de la sérigraphie. Parfois, il laisse sécher l’encre sur l’écran ; ailleurs, il y mêle de la limaille de fer. Les inégalités de séchage ou de matière entraînent des effets inattendus à l’impression.

Avec la sérigraphie, Soulages crée plutôt des oeuvres de circonstance qui servent notamment à des affiches d’événements culturels, des couvertures ou des planches dans des ouvrages précieux. Il aime la qualité du rendu des couleurs qui est spécifique à ce procédé et qui se rapproche de la photographie. Par ailleurs, celui-ci permet une grande liberté graphique, comme on peut l’observer dans l’affiche réalisée pour les Jeux olympiques de Munich en 1972.

 

L’eau-forte

La technique de l’eau-forte répond à un processus en deux étapes : tout d’abord, la gravure d’une matrice en métal, puis l’impression de l’image gravée sur du papier.

La matrice utilisée par l’artiste est en cuivre. Dans un premier temps, il l’enduit d’une fine couche de vernis. Il y creuse ensuite des sillons à l’aide d’une pointe sèche et d’un burin. Une fois ce travail de gravure réalisé, l’artiste plonge la plaque dans un bain d’acide : l’eau-forte. L’eau-forte continue le travail du graveur. Les parties où le métal est gravé – donc non protégé – sont attaquées par l’acide. Soulages s’acharne souvent à laisser l’acide ronger le cuivre. Parfois même, la plaque de métal est percée. Les contours ne forment plus un rectangle ; ils sont déchiquetés, découpés.

Pierre Soulages vient ensuite encrer la matrice. Les endroits les plus creusés accueillent davantage d’encre. L’artiste pose une feuille de papier sur la matrice et met le tout sous presse. C’est le moment de l’impression. Les parties de la matrice qui ont reçu le plus d’encre font alors apparaître des noirs plus profonds sur la feuille de papier. A contrario, les trous faits sur la plaque laissent, sur le papier non écrasé, des blancs intenses.

Un dialogue s’installe. Le papier, en relief, devient partie intégrante de l’oeuvre, il n’est plus seulement support.

- Image en taille réelle, .JPG 4,76Mo (fenêtre modale)Pierre Soulages, Bronze III, 1977
Collection particulière, Paris
© DR